- Alors que le gouvernement dévoile les grandes lignes du budget 2026, Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, tire la sonnette d’alarme.
- S’il soutient l’objectif de désendettement, il s’inquiète d’une stratégie trop axée sur la fiscalité, au détriment de la compétitivité et de la justice sociale.
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, s’est exprimé ce jeudi sur franceinfo à propos des grandes orientations budgétaires dévoilées par le gouvernement. S’il salue la volonté de réduire la dette, il alerte sur une stratégie reposant trop largement sur la fiscalité, au détriment de la compétitivité économique et de la justice sociale.
« François Bayrou a eu raison de dire que c’était un moment de vérité, parce que je le dis moi-même depuis des années, la France est trop endettée », a affirmé l’ancien ministre de l’Économie et des Finances.
Un appel au désendettement… mais pas à n’importe quel prix
Pour Pierre Moscovici, il est impératif que les Français prennent conscience de l’état des finances publiques : « Il faut que les Français sachent en effet qu’on ne peut pas faire de bonnes politiques publiques, pas d’écologie, pas de défense, pas d’éducation, pas de recherche, pas d’innovation si on n’a pas la ceinture et si on n’a pas juste un budget qui s’équilibre. »
Soutenant l’appel à l’effort, il juge nécessaire de faire du désendettement une priorité. « L’appel à l’effort, l’appel au désendettement, l’appel à la réduction du déficit, je l’approuve totalement », affirme t-il
Des hausses d’impôts jugées excessives
Mais Moscovici émet des réserves sur la manière dont le gouvernement entend parvenir à cet équilibre budgétaire. Il juge la part de la fiscalité trop lourde, alors qu’un quart des économies reposerait sur des hausses d’impôts.
« Il ne faut pas aller trop loin, il ne faut pas trop de fiscalité. (…) Nous avons des prélèvements obligatoires qui sont les plus élevés de la zone euro. (…) Nous avons une compétitivité de notre économie à préserver. On ne peut pas tout faire par la fiscalité. Ce n’est pas la bonne idée », précise -t-il.
Pierre Moscovici conteste également la proportion entre réduction des dépenses et augmentation des recettes : « La part de la fiscalité est comprise entre 25 et 40 % (dans ce budget 2026), ce qui ne correspond pas aux 10 % qui étaient annoncés. »
Une répartition de l’effort inégale
L’autre critique majeure concerne le partage de l’effort. Moscovici estime que les mesures fiscales doivent davantage concerner les plus hauts revenus :
« Si les économies en dépenses pèsent sur tout le monde, si tout le monde est mis à contribution, les retraités mais aussi les classes moyennes, il est inconcevable que ceux qui ont beaucoup plus ne soient pas eux aussi sollicités. »
Il juge « assez logique » que les hauts revenus participent à l’effort national et approuve la contribution exceptionnelle annoncée par le gouvernement, même si celle-ci ne rapporterait qu’environ 2 milliards d’euros.
En revanche, il pointe un déséquilibre entre l’État et les collectivités locales. Alors que l’État prévoit de ne pas remplacer un départ à la retraite sur trois dès 2027, aucun mécanisme équivalent n’est prévu pour les collectivités.
« Le partage des économies entre l’État et les collectivités locales paraît également déséquilibré », explique -t-il
Des mesures conjoncturelles, pas des réformes de fond
Pierre Moscovici se montre également critique vis-à-vis des deux mesures les plus contestées du budget 2026 : la suppression de deux jours fériés et la création d’une « année blanche » gelant temporairement les pensions et prestations sociales.
« Ce ne sont pas des mesures structurelles, (…) on ne peut le faire qu’une fois », prévient-il.
Pour Moscovici, ces dispositifs n’ont qu’un effet ponctuel et ne répondent pas aux exigences de réformes durables. « Pour les réformes structurelles, on n’y est pas encore manifestement. Il faudra qu’il y ait un dialogue entre les forces politiques », affirme -t-il.
Un débat à poursuivre
Enfin, il appelle à un véritable débat démocratique autour de ce budget : « Chacun pourra se prononcer sur ce budget et c’est la moindre des choses. »
Il souligne aussi la nécessité d’un effort justement réparti entre l’État, les collectivités, la Sécurité sociale, mais aussi entre les différentes catégories de Français : « Il faut voir si ça ne crée pas d’inégalités. »
Si Pierre Moscovici reconnaît la nécessité de redresser les comptes publics, il met en garde contre une politique trop centrée sur la fiscalité et trop peu structurée. Désendetter l’État, oui, mais pas à n’importe quel prix, et surtout pas au détriment de la justice sociale ou de la compétitivité.
