Les relations entre Alger et Paris s’enveniment. Refus d’accréditations, réduction d’effectifs consulaires et restrictions de visas : un bras de fer inédit pénalise directement les ressortissants algériens et la diaspora en France.
La crise entre l’Algérie et la France s’enlise. Ce mercredi, le chargé d’affaires de l’Ambassade de France à Alger a été convoqué au siège du ministère algérien des Affaires étrangères. À l’origine : un communiqué publié la veille par la représentation diplomatique française, dans lequel Paris annonçait une réduction drastique de ses effectifs consulaires en Algérie, faute d’accréditations délivrées par Alger.
Alger dénonce « un grave manquement aux usages diplomatiques »
Dans son communiqué, le ministère algérien des Affaires étrangères a fermement dénoncé l’attitude française.
« L’attention du diplomate français a été fermement attirée sur le grave manquement aux usages diplomatiques, les plus solidement établis, qui caractérise ledit communiqué », souligne le texte.
Alger reproche à l’ambassade de France d’avoir présenté les faits de manière « tendancieuse », en cherchant à incriminer le MAE devant l’opinion publique algérienne.
« Par sa forme autant que par son fond, ce communiqué était inacceptable », insiste le ministère, qui évoque une violation « de l’esprit et de la lettre de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961″.
Le MAE rappelle également que la non-accréditation des diplomates français est une réponse directe au refus de Paris, depuis plus de deux ans, d’accorder des accréditations à des diplomates algériens en France.
« Trois Consuls Généraux et six Consuls algériens n’ont pas reçu leurs accréditations sollicitées depuis plus de six mois », détaille le communiqué.
« De même, quarante-six agents diplomatiques et consulaires algériens n’ont pu rejoindre leur lieu d’affectation en France du fait du silence observé par la partie française. »
Pour Alger, il s’agit ni plus ni moins que de « l’application stricte du principe de réciprocité ». Une situation qui, selon le ministère, « lèse gravement les ressortissants algériens établis en France » car elle affecte « les prestations consulaires à leur bénéfice et la qualité de la protection consulaire qui leur est due ».
Le MAE accuse Paris d’instrumentaliser la question des visas.
« Le chantage aux visas continue de la part du gouvernement français », affirme le communiqué, rappelant que l’Algérie avait déjà dénoncé l’accord bilatéral de 2013 sur l’exemption réciproque de visas diplomatiques. Selon Alger, une « seconde phase » de ce bras de fer touche désormais les passeports ordinaires, gérés « par le chantage, le marchandage et l’intimidation ».
Paris justifie la réduction de ses effectifs
De son côté, l’ambassade de France en Algérie a publié, mardi 26 août, un communiqué confirmant la réduction « significative » de ses effectifs et de ceux de ses consulats à Alger, Oran et Annaba dès le 1er septembre.
« La dégradation de la relation entre la France et l’Algérie aura pour effet une réduction significative des effectifs de cette ambassade et des trois consulats généraux dès le 1er septembre prochain », explique le texte, précisant que le MAE algérien « n’a pas donné suite à l’essentiel des demandes de visas d’accréditation sollicités pour ces personnels ».
Cette réduction d’un tiers des effectifs consulaires aura un impact direct sur le traitement des visas. « Cette situation aura notamment pour conséquence une capacité limitée à instruire les demandes de visas pour la France », indique l’ambassade.
« Le nombre de rendez-vous disponibles auprès de notre prestataire Capago […] devra donc être réduit afin de maintenir la délivrance des visas dans des délais aussi raisonnables que possible », lit-on dans le communiqué.
Dans ce contexte, la priorité sera donnée aux « services aux Français », aux « demandes de renouvellement de visas » et aux « demandes de visas d’études en France ».
Une crise aux multiples ramifications
Cette escalade diplomatique intervient dans un climat déjà lourd. Depuis plus d’un an, les relations entre Paris et Alger traversent une crise sans précédent, nourrie par des différends politiques et mémoriels. La reconnaissance par Emmanuel Macron de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental avait provoqué le rappel de l’ambassadeur algérien à Paris. En avril, la France avait riposté en rappelant à son tour son ambassadeur à Alger.
Début août, la tension est montée d’un cran lorsque Paris a suspendu l’accord de 2013 sur les visas diplomatiques et décidé de bloquer la délivrance de certains visas long séjour aux Algériens.
Entre refus d’accréditations, réduction d’effectifs consulaires et bras de fer autour des visas, le dialogue entre Alger et Paris semble aujourd’hui au point mort. Les conséquences, elles, se font sentir directement sur les étudiants, les familles binationaux et les ressortissants des deux rives.
