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IEAC : un institut citoyen d’études et d’action contre le racisme, lancé à Paris

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  • Lancé par la psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Maître Hosni Maati et l’historienne Delphine Peiretti-Courtis lancent l’Institut d’études et d’Action citoyenne (IEAC) pour apporter des réponses concrètes au racisme.
  • Objectif : passer du constat à l’action, de la santé au droit, aux côtés des victimes.

   La psychiatre Fatma Bouvet de la Maisonneuve, Maître Hosni Maati, avocat au barreau de Paris et Delphine Peiretti-Courtis, historienne, professeur agrégée à l’université d’Aix-Marseille lancent l’Institut d’études et d’Action citoyenne (IEAC), dédié à la lutte contre le racisme et à l’accompagnement des victimes.

Leur ambition : offrir des réponses concrètes aux citoyennes et citoyens confrontés au racisme — du repérage des traumatismes à l’orientation juridique, en passant par la formation des institutions.

Selon ses fondateurs, la France traverse une crise identitaire « meurtrière ». Ils avancent que 1,2 million de personnes se déclarent victimes de racisme et que seulement 4 % portent plainte, un chiffre possiblement sous-estimé « car les personnes ont peur de déclarer ».

« C’est un sujet grave, le racisme. Le racisme, c’est un délit, ça n’est pas une opinion », martèle Fatma Bouvet de la Maisonneuve. « Le racisme est une plaie de l’humanité, comme le disait Frantz Fanon… Dans une France du XXI siècle, on voit un déni qui revient comme un boomerang au visage d’une nation qui a nié son passé colonial. »

« Réparer à 360° » : santé, justice et récit national

Au cœur du projet, une conviction : le racisme blesse la santé mentale et physique, altère l’équilibre social et l’estime de soi. « Depuis une dizaine d’années, je constate que le racisme cause des traumatismes psychiques et physiques, avec des conséquences profondes sur la santé », poursuit la psychiatre.

« Il n’y a pas de réparation sans réparation intellectuelle, émotionnelle, corporelle — donc sans réparation de santé. Il n’y a pas de réparation sans justice… ni sans réparation du narratif de la France », affirme Fatma Bouvet de la Maisonneuve

L’IEAC s’appuie sur un réseau d’experts déjà constitué et élargi par un appel publié en juin qui a « recueilli de nombreuses signatures ». Pour Fatma Bouvet de la Maisonneuve, le signal est clair : l’initiative s’enracine déjà. « Nous avons lancé un appel au mois de juin dans L’Humanité… On a réussi à fédérer un premier groupe d’experts dans le domaine de la justice, de la santé et du social sur toute la France. Depuis qu’on a lancé l’information au sujet de cet institut, on a encore des personnes qui adhèrent », détaille la psychiatre.

« On est très contents de l’écho que ce projet a parce que notre préoccupation… c’est d’agir maintenant », poursuit-elle, en remerciant Delphine Peiretti-Courtis, Maître Hosni Maati, Sabrine Fourret et « d’autres membres fondateurs ».

« Parler du racisme, oui, mais surtout agir maintenant », résument les fondateurs.

L’histoire au chevet du présent : des stéréotypes qui tuent encore

 Spécialiste de l’histoire du racisme, Delphine Peiretti-Courtis replace l’actualité dans le temps long. « Je travaille depuis plus de 15 ans sur la construction des stéréotypes racistes dans la littérature médicale et scientifique à l’époque coloniale… La science a pu transformer des préjugés en “savoirs” au XIX siècle pour légitimer la colonisation », affirme -telle.

Selon l’historienne, ces stéréotypes ne relèvent pas du passé : ils continuent d’influencer les pratiques de soins. « Le savoir médical aujourd’hui reste imprégné de stéréotypes jamais vraiment déconstruits », observe-t-elle. Elle cite le « syndrome méditerranéen », « croyance erronée selon laquelle les personnes d’Afrique du Nord et d’Afrique subsaharienne exagèreraient leurs douleurs », qui « contribue à la non-prise en charge ». Elle rappelle enfin un cas emblématique : « Naomi Muzenga en est morte en 2017. »

Sur l’accès aux soins, l’historienne souligne que les biais ne sont pas théoriques :

« Un homme blanc aurait 50 % de chance de plus qu’une femme noire d’être accueilli prioritairement aux urgences, à âge et symptômes similaires. »

Ces écarts, ajoute-t-elle, « font écho au rapport de la Défenseure des droits (mai 2024) et à celui de la CNCDH (juin 2025) sur racisme et santé».

Pour elle, la recherche doit désormais se traduire en actes : « Il y a un besoin urgent de réponses appropriées » pour celles et ceux confrontés aux discriminations au travail, dans la vie quotidienne ou dans les soins. Elle plaide pour « constituer un réseau de professionnels de santé, du droit et du social » afin de mettre en relation les personnes qui témoigneront sur les comptes de l’IEAC — Facebook, Instagram et bientôt Twitter — « avec des praticiens capables d’agir ». Et de rappeler que « 97 % des victimes ne portent pas plainte » : d’où la nécessité « de les y aider et de faire connaître leurs droits ».

Le droit comme levier d’effectivité, pas de symboles

Pour Hosni Maati, l’essentiel est d’intervenir avant que le contentieux ne s’installe et de travailler de concert avec les soignants et les acteurs du social.

« Quand un avocat intervient, c’est déjà trop tard. On espère obtenir une réparation, mais il faut s’armer de patience face aux dysfonctionnements de la justice. D’où l’utilité d’une approche pluridisciplinaire pour apporter des solutions et mettre des mots sur les maux », a déclaré Hosni Maati lors de la conférence de presse

Il inscrit cette action dans une histoire longue, liant passé et présent : « Il y a un continuum historique… C’est une évidence pour ceux qui le subissent — pas toujours pour les pouvoirs publics qui, bien que connaissant les travaux, n’ont pas mis l’argent nécessaire pour en faire une cause nationale. »

Sa boussole reste pragmatique : « La “révolution”, ce n’est pas tout changer : c’est rendre effectifs des principes qui existent déjà. »

Ce que l’IEAC promet de faire, concrètement

  • Recueillir et orienter les signalements via les canaux IEAC (site et réseaux sociaux annoncés).
  • Raccorder les victimes à un réseau national de soignants, juristes et travailleurs sociaux.
  • Accompagner les dépôts de plainte, constituer des dossiers et documenter les faits.
  • Former hôpitaux, administrations, écoles et entreprises aux biais et protocoles de prise en charge.
  • Produire des études pour mesurer les phénomènes discriminatoires et évaluer les réponses.

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