- Ce vendredi 3 octobre 2025, Sébastien Lecornu a surpris la scène politique en annonçant qu’il n’aurait pas recours à l’article 49.3 pour faire adopter le budget 2026.
- Depuis Matignon, le Premier ministre a choisi de tendre la main aux oppositions et de redonner la main au Parlement pour construire une majorité autour du projet de loi de finances.
Dans un contexte politique tendu et face à un Parlement fragmenté, le gouvernement fait un pari inédit : renoncer au passage en force pour miser sur le débat et la recherche de compromis. L’Assemblée nationale et le Sénat auront la responsabilité d’écrire, amender et voter le budget de l’année prochaine.
Un changement de méthode assumé
Il était un peu plus de dix heures lorsque Sébastien Lecornu a pris la parole à Matignon. Le ton était mesuré mais déterminé. Après plusieurs semaines de négociations discrètes, il a officialisé sa décision : pas de 49.3 sur le budget 2026.
« J’ai décidé de renoncer à l’article 49.3 de la Constitution », a-t-il déclaré en ouverture, soulignant qu’il voulait « déporter davantage de pouvoir à l’Assemblée et au Sénat ». Ce choix marque un tournant dans la façon de gouverner les finances publiques, dans un paysage parlementaire où aucun groupe ne détient la majorité absolue.
Lecornu assume une approche fondée sur la discussion et l’ajustement mutuel. Il explique avoir volontairement gardé le silence ces dernières semaines pour « laisser sa chance au dialogue et au compromis ». Selon lui, les négociations en coulisses ont montré qu’« il est possible de tracer des chemins » vers des accords transpartisans, même si une coalition plus large n’a finalement pas vu le jour.
Sortir du réflexe binaire
Le Premier ministre souhaite aussi rompre avec la logique des blocs figés, souvent réduits à des débats caricaturaux. Il met en garde contre les oppositions simplistes qui paralysent l’action publique.
« Le sujet, c’est comment chacun fait un geste pour faire avancer le pays », explique-t-il, refusant de réduire la discussion à des positions tranchées (« Ce n’est pas la taxe Zucman ou rien »). Pour lui, il s’agit avant tout de répartir équitablement les efforts et de rechercher les meilleurs leviers pour renforcer le pouvoir d’achat et soutenir la transition budgétaire.
Dans cette perspective, il entend laisser le débat se dérouler pleinement au Parlement. « Chaque député doit avoir du pouvoir », insiste-t-il. Les discussions budgétaires, prévues pour débuter la semaine prochaine, ne pourront pas être écourtées par une procédure de 49.3.
« Le gouvernement n’a plus aucun moyen d’arrêter les débats », prévient-il.
Des réactions contrastées à l’Assemblée
L’annonce a immédiatement provoqué une pluie de réactions chez les responsables politiques. À droite comme à gauche, beaucoup saluent une décision qui redonne de l’espace au débat démocratique, tout en restant prudents sur ses effets concrets. Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, se réjouit de ce choix qu’elle qualifie d’« acte de confiance envers la représentation nationale ».
Selon elle, ce nouveau cadre permettra au Parlement de « débattre pleinement » et de « voter à l’issue de ces discussions » dans des conditions plus sereines.
Le Parti socialiste, en revanche, accueille l’annonce avec circonspection. Boris Vallaud estime que « le compte n’y est pas » et prévient que le Premier ministre devra rapidement « faire la démonstration qu’il est prêt à bouger ». Arthur Delaporte souligne que la méthode ne suffira pas : « Même sans 49.3, on ne peut pas suspendre la réforme des retraites », rappelle-t-il.
Du côté du Parti communiste, Fabien Roussel y voit une opportunité. Sans 49.3, dit-il, « il y aura un véritable débat au Parlement » et la possibilité de rouvrir des sujets majeurs comme la réforme des retraites. Pour lui, « une nouvelle séquence s’ouvre », et il appelle à « construire des majorités » sur des mesures concrètes.
La France insoumise, en revanche, se montre très critique. Éric Coquerel dénonce une alliance tacite entre « macronistes et RN » qui, selon lui, pourrait se poursuivre pendant les discussions budgétaires. Il appelle à « censurer tout ça et revenir aux urnes ».
Un pari politique risqué
Renoncer au 49.3, c’est renoncer à une sécurité institutionnelle. L’exécutif devra désormais construire des majorités texte par texte, sur chaque ligne budgétaire sensible : fiscalité, dépenses publiques, trajectoire de déficit. Le risque de blocage est réel, mais Sébastien Lecornu estime que le contexte impose d’inventer une nouvelle manière de gouverner.
Cette décision intervient dans un moment budgétaire crucial : la France doit concilier une maîtrise accrue des finances publiques avec des attentes sociales fortes, qu’il s’agisse de pouvoir d’achat, d’investissements dans les services publics ou de transition écologique.
Une séquence parlementaire décisive
Dès la semaine prochaine, les débats budgétaires débuteront à l’Assemblée nationale. Le gouvernement promet d’arriver avec un projet « ouvert » aux amendements, tout en cherchant à préserver l’équilibre financier global.
Sébastien Lecornu semble conscient des risques, mais aussi des opportunités que ce changement de méthode peut offrir. Son pari est simple : en renonçant au passage en force, il espère forcer les différents camps à prendre leurs responsabilités et à bâtir, ensemble, un compromis budgétaire
