- Dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 octobre, le collectif marocain GenZ 212 a appelé à la dissolution du gouvernement après une sixième soirée de manifestations pour une santé et une éducation publiques dignes.
- Les autorités promettent le dialogue, tandis que des violences et des arrestations ont ponctué certains rassemblements.
Né en ligne et structuré autour de Discord, GenZ 212 dit agir « par amour de la patrie et du roi » Mohammed VI et réclame « la dignité et les droits légitimes pour chaque citoyen ». Entre marches pacifiques, heurts sporadiques et promesses de réformes, la jeunesse met au défi les priorités budgétaires d’un exécutif sommé de « répondre aux revendications sociales ».
Un mouvement de jeunes, né sur Discord, qui bouscule l’agenda politique
GenZ 212 — référence à l’indicatif téléphonique du Maroc — se présente comme « un espace de discussion » sur « la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption ». Ses fondateurs, restés anonymes, affirment agir « par amour de la patrie et du roi ». En quelques jours, le serveur Discord du collectif est passé « de 1 000 à plus de 120 000 membres » au 1er octobre 2025, s’imposant comme le porte-voix d’une génération exaspérée.
Dans un communiqué adressé à Mohammed VI, le collectif a durci le ton :
« Nous demandons la dissolution du gouvernement actuel pour son échec à protéger les droits constitutionnels des Marocains et à répondre à leurs revendications sociales. »
Le collectif réclame parallèlement l’ouverture d’« un processus judiciaire équitable » pour poursuivre les responsables de corruption.
« Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux ? » : le procès des priorités
Au cœur de la colère, un grief budgétaire : « Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux ? », scandent les manifestants, en référence aux investissements pour la CAN et le Mondial 2030. Selon des chiffres cités par la presse marocaine, 9,5 milliards de dirhams sont dédiés à la rénovation de six stades et 5 milliards de dirhams à la construction du Grand Stade de Casablanca.
En miroir, les établissements de santé publics « manquent cruellement de moyens », pointent les protestataires, rappelant qu’huit femmes enceintes sont mortes récemment dans un hôpital public d’Agadir, faute de soins adaptés.
Une semaine de mobilisation, entre rassemblements autorisés et dérapages violents
Pour la sixième journée consécutive, les jeunes ont été appelés à manifester mercredi 1er octobre, après des rassemblements déjà observés « dans 17 villes » la veille, selon l’Association marocaine des droits humains (ADMH). Les autorités ont autorisé mercredi des rassemblements à Casablanca, Tanger et Tétouan. Dans la soirée, des violences ont éclaté, notamment à Salé, où des individus cagoulés ont incendié deux voitures de police et une agence bancaire.
Près d’Agadir, au village de Lqliaâ, trois personnes ont été tuées par des gendarmes « en légitime défense » alors qu’elles tentaient « de prendre d’assaut » une brigade de gendarmerie pour s’emparer d’armes et de munitions, selon le ministère de l’Intérieur et les autorités locales.
Arrestations, blessés : bilan provisoire d’une contestation sous tension
Au fil des rassemblements, près de 600 jeunes ont été interpellés dans plusieurs villes du royaume, a-t-on appris de sources concordantes. Le ministère de l’Intérieur évoque 263 blessés « à des degrés divers » dans les rangs des forces de l’ordre et 23 du côté des protestataires, dont une personne hospitalisée à Oujda.
L’ADMH fait état de plus de 1 400 arrestations, tandis que 409 personnes auraient été placées en garde à vue. Omar Arbib, de l’ADMH, craint « la poursuite judiciaire » du mouvement.
L’exécutif promet d’« entendre » la rue, la Santé reconnaît des « insuffisances »
Face à la montée de la grogne, la coalition gouvernementale assure « être à l’écoute et comprendre les revendications sociales» et se dit « prête à y répondre de manière positive et responsable ». Le chef du gouvernement Aziz Akhannouch a affirmé sa « disposition à dialoguer » avec la jeunesse. Au Parlement, le ministre de la Santé Amine Tehraoui a reconnu que, malgré les réformes engagées, « ces réalisations (…) restent insuffisantes ».
« Dignité » et lutte anticorruption : un mot d’ordre qui fait tache d’huile
La question de la corruption agit comme un catalyseur. « Le peuple veut mettre fin à la corruption ! », clame une vidéo virale visionnée plus de six millions de fois sur TikTok.
« Les dispositions récentes qui limitent la capacité des associations à signaler la corruption […] affaiblissent gravement le contrôle citoyen et sapent la confiance des jeunes », déplore Driss Sedraoui, cité par France 24.
Sur le plan politique, malgré une stratégie revendiquée comme apartisane — « Nous n’appartenons à aucun parti ni mouvement politique. Nous sommes une jeunesse libre. Notre voix est indépendante. Notre seule revendication est la dignité et les droits légitimes pour chaque citoyen », écrit le collectif — le mouvement reçoit des marques de soutien d’opposition, notamment du PSU et de la FGD, tandis que le PJD dit comprendre les « frustrations légitimes » des manifestants.
À un an des législatives de 2026, l’exécutif est sommé de traduire ses promesses en calendrier d’actions sur la santé, l’éducation et l’emploi des jeunes.
