- Le nouveau Premier ministre a écarté, vendredi 3 octobre, l’usage de l’article 49.3 pour adopter les textes budgétaires de l’automne.
- Ce geste d’apaisement change la méthode, sans dissiper la menace d’une censure dans une Assemblée sans majorité absolue.
Depuis Matignon, Sébastien Lecornu a annoncé qu’il « renonçait » à l’arme constitutionnelle du 49.3 pour les budgets. Une revendication portée de longue date par le Parti socialiste. Si la gauche salue un « premier bougé », elle prévient : sans « signes d’un compromis » d’ici la déclaration de politique générale mardi, « nous nous dirigeons tout droit vers la censure ».
Une méthode sans 49.3, dans un Parlement fragmenté
Depuis 2022, l’exécutif s’appuyait à de multiples reprises sur le 49.3 pour faire adopter des textes sans vote, faute de majorité absolue. Le renoncement affiché par Sébastien Lecornu ouvre une nouvelle phase, fondée sur des majorités de circonstance et une recherche d’accords thématiques. Le pari est risqué : chaque article budgétaire devra désormais franchir la barre d’un vote incertain.
« Je demande au nouveau Premier ministre de renoncer au 49.3, comme nous l’avions proposé, pour instaurer une nouvelle méthode », appelait Olivier Faure, premier secrétaire du PS, le 10 septembre.
La gauche socialiste pose ses conditions
Reçus vendredi à Matignon, les dirigeants socialistes ont salué la rupture de forme, tout en dénonçant l’absence d’inflexion sur le fond.
« Il y a bien un début de rupture sur la forme, mais sur le fond, rien n’a changé », a déploré Olivier Faure devant la presse. La « copie » du Premier ministre sur le budget reste « très insuffisante et à bien des égards alarmante ».
Dans Le Parisien, samedi 4 octobre, le patron du PS a encore haussé le ton : « Si le renoncement au 49.3 est un premier bougé, [Sébastien Lecornu] n’a pas donné de vrais signes d’un compromis possible. Si la donne ne change pas, nous nous dirigeons tout droit vers la censure », a-t-il averti, tout en indiquant que les socialistes se laissaient jusqu’au « discours de politique générale » de mardi pour se décider.
Des alternatives procédurales toujours à disposition
Sans 49.3, l’arsenal constitutionnel reste fourni. L’article 40 permet de déclarer irrecevables les amendements qui alourdissent la dépense publique. L’article 44.3 autorise un « vote bloqué » sur tout ou partie du texte, pour ne retenir que les amendements proposés ou acceptés par le gouvernement. Autant d’outils susceptibles de cadrer un débat qui s’annonce foisonnant.
Droite, RN et centre : attentisme et demandes de gages
La cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, s’est félicitée d’un geste « plus respectueux de la démocratie », sans trancher sur une éventuelle participation à une motion de censure. Son groupe (123 députés) attend des « ruptures » dans la feuille de route du Premier ministre.
Les Républicains, eux, ont reporté à dimanche leur réunion destinée à arrêter une position sur une éventuelle entrée au gouvernement, « les échanges avec Matignon » devant « encore être prolongés », selon Bruno Retailleau.
Au centre, le MoDem hausse le ton et réclame des garanties sur l’équilibre de la majorité : Il « ne serait pas acceptable que le pacte que nous formons avec les forces du bloc central depuis 2017 ne soit désormais plus que la variable d’ajustement de négociations avec la Droite républicaine ou le Parti socialiste », préviennent les députés du mouvement de François Bayrou dans un courrier demandant « une clarification » avant tout engagement.
Les curseurs budgétaires au cœur du bras de fer
En amont de la déclaration de politique générale, Sébastien Lecornu met sur la table plusieurs pistes : réduction d’un impôt de production des entreprises ; ajustements sur « la défiscalisation et l’allègement de charges sociales sur les heures supplémentaires », selon un interlocuteur socialiste. Des orientations qui laissent la gauche perplexe et conditionneront d’éventuels ralliements article par article.
Un soutien limité mais symbolique côté Place publique. Raphaël Glucksmann a, de son côté, envoyé un signal de stabilité : Il n’ira « pas à la censure », conscient de « l’impact sur la stabilité du pays ». Une position au poids arithmétique relatif — Place publique ne compte que deux députés — mais politiquement lisible.
