- Mardi 14 octobre, Sébastien Lecornu s’avance à l’Assemblée pour sa déclaration de politique générale dans un climat de haute tension.
- La gauche prévient : sans geste net sur les retraites, la censure pourrait tomber dès mercredi ou jeudi.
Après un Conseil des ministres autour d’Emmanuel Macron ce matin, l’heure de vérité sonne à 15 heures pour le Premier ministre. Le Parti socialiste conditionne son soutien à la « suspension immédiate et complète » de la réforme des retraites de 2023, assortie de garanties en matière de justice fiscale. À défaut, une motion de censure pourrait réunir les 289 voix fatidiques et précipiter la chute du gouvernement.
À 15 heures, un discours sous condition
Sébastien Lecornu doit dresser les grandes lignes de son action — s’il reste en place. Le choix des mots sera scruté. À la matinale de Sud Radio, le porte-parole du groupe PS Arthur Delaporte a planté le décor : il attend « un mot : “suspension” ». Plus précisément, « la suspension de la réforme des retraites », a-t-il réaffirmé, réclamant « une preuve de confiance » et que le Premier ministre « endosse la responsabilité de la suspension de cette réforme ». Et de prévenir : « Sinon j’ai du mal à voir comment on peut discuter avec des gens qui ne veulent rien changer ».
Le PS, arbitre du vote de censure
L’arithmétique parlementaire place les socialistes en position de bascule. Convoitées par une gauche (LFI, écologistes, communistes) et une alliance RN-UDR décidées à « appuyer sur le bouton rouge », leurs voix pourraient sceller le sort du gouvernement : la censure requiert 289 voix et une vingtaine de députés PS suffirait, selon les décomptes internes, à faire chuter l’exécutif.
Le premier secrétaire Olivier Faure martèle l’exigence d’une « suspension immédiate, complète » de la réforme de 2023, adoptable par le Parlement. L’ancien président François Hollande insiste pour sa part sur « une contribution sur les plus gros patrimoines qui peut prendre différentes modalités » et la confirmation de l’abandon du 49.3, « qui permet d’adopter un texte sans vote ».
Des voix d’influence plaident le gel
Dans le camp des réformistes, plusieurs figures appellent à trancher nettement. Sur BFMTV, Eric Lombard, ancien ministre de l’Économie, a exhorté le Premier ministre à prononcer le mot « sacramentaire » :
« Oui, on la suspend. Je pense qu’il est important que ce mot soit prononcé par le Premier ministre. »
Sur France 2, l’économiste et nouveau prix Nobel Philippe Aghion a proposé un arrêt temporaire : « Je pense qu’il faut arrêter l’horloge maintenant jusqu’aux élections présidentielles. C’est-à-dire qu’on est à 62 ans et 9 mois, on stoppe à 62 ans et 9 mois jusqu’aux élections présidentielles », a-t-il défendu, rappelant avoir « toujours été pour un 63 ans plus revoyure ».
« Ça ne veut pas dire que la réforme est supprimée… Ça veut dire que si rien ne se passe, ça reprend en 2027″, a t-il précisé
La droite fustige une « irresponsabilité »
À droite, le ton est ferme. Invité de franceinfo, François-Xavier Bellamy (LR) juge que « demander la suspension de la réforme des retraites, c’est de l’irresponsabilité absolue ». Et d’ajouter : si Sébastien Lecornu annonce une suspension, « ce sera la preuve que Bruno Retailleau a eu bien raison de ne pas monter dans ce bateau ». Les Républicains ne « censureront pas pour le plaisir », assure toutefois le vice-président du parti, « car on n’a pas besoin d’aggraver le chaos ».
Le risque politique et budgétaire en toile de fond
Faute d’accord, la séquence pourrait se conclure par une motion de censure dès mercredi ou jeudi. Une chute du gouvernement ouvrirait la voie à une dissolution de l’Assemblée, une campagne éclair et l’impossibilité d’adopter le budget avant le 31 décembre. À l’inverse, une suspension claire — « immédiate et complète » — couplée à des gages sur la justice fiscale et la protection des Français les plus modestes, « grands perdants du budget Bayrou » selon Arthur Delaporte, pourrait desserrer l’étau et permettre au gouvernement de gagner du temps.
Un mot peut tout faire basculer
Dans une Assemblée morcelée, la sémantique vaut engagement. Entre « suspension » et simple « décalage » — terme un temps évoqué par Emmanuel Macron — se niche l’issue de la crise. Un engagement net, opposable et daté pourrait désamorcer la censure. À défaut, la majorité négative a déjà la main sur le bouton.
