- L’offre conjointe sur SFR n’ira pas plus loin : Altice France l’a rejetée d’emblée.
- Le groupe mise sur la poursuite du désendettement et la préservation de ses actifs
Officialisée mardi 14 octobre au soir, l’offre conjointe des trois opérateurs devait marquer un tournant historique pour le secteur. Prévue pour redistribuer les actifs de SFR entre Bouygues Telecom (43 %), Iliad (30 %) et Orange (27 %), elle a été rejetée dès le lendemain par Arthur Dreyfuss, PDG d’Altice France, qui affirme ne pas envisager de cession. L’épisode souligne à la fois la fragilité financière du groupe et les tensions croissantes sur un marché arrivé à maturité.
Une offre non engageante, rejetée dès son annonce
Les trois opérateurs avaient confirmé mardi soir le dépôt d’une offre non engageante visant « la plupart des actifs de l’opérateur SFR », valorisés 17 milliards d’euros. Mais l’initiative a tourné court. L’offre a été “immédiatement rejetée”, a annoncé mercredi 15 octobre Arthur Dreyfuss, PDG d’Altice France, dans un message interne adressé aux salariés et consulté par l’AFP.
Le dirigeant a affirmé que le groupe ne prévoyait aucune cession d’actifs, ajoutant qu’Altice restait pleinement engagé dans la poursuite du redressement de SFR. Selon lui, la priorité demeure la stabilisation financière et le renforcement opérationnel de l’opérateur après la restructuration de la dette intervenue début octobre.
Les trois concurrents justifiaient pourtant leur offre par des motifs industriels et technologiques. Dans leur communiqué commun, ils affirmaient : « Dans un marché mature, cette opération, tout en assurant la continuité de service pour les clients de SFR, permettrait de renforcer les investissements dans la résilience des réseaux très haut débit, dans la cybersécurité, mais aussi dans les nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle. »
Une vision stratégique que la direction d’Altice a donc choisie de ne pas retenir.
Une tentative de reconfiguration du marché
L’opération envisagée par Bouygues Telecom, Iliad et Orange aurait constitué une reconfiguration majeure du paysage des télécoms français, la première depuis l’entrée de Free sur le marché en 2012.
Le projet prévoyait un partage ciblé des actifs de SFR : Bouygues Telecom et Iliad devaient reprendre les activités destinées aux entreprises et aux particuliers, tandis que les infrastructures et fréquences auraient été mutualisées entre les trois opérateurs.
Le réseau mobile en zones peu denses devait, lui, être placé sous la gestion exclusive de Bouygues Telecom.
Certaines entités restaient toutefois hors du périmètre de la transaction, notamment les participations d’Altice dans Intelcia, UltraEdge, XP Fibre et Altice Technical Services, ainsi que les activités dans les départements et territoires d’outre-mer.
Un choc social redouté chez SFR
Même si l’offre n’a pas été retenue, elle a ravivé de fortes inquiétudes sociales. Sur France Inter, Olivier Lelong, délégué syndical central CFDT chez SFR, a réagi dès le lendemain à la perspective d’un rachat partiel :
« C’est beaucoup d’inquiétude (…), le rachat par les trois autres opérateurs concurrents va se traduire par des destructions massives d’emplois », a-t-il dénoncé.
Selon lui, « c’est bien le pire scénario pour nous, puisque le seul intérêt des trois opérateurs, c’est d’augmenter leurs marges, se partager neuf milliards d’euros de chiffre d’affaires, sans penser aux salariés ».
Le syndicaliste estime qu’environ 6 000 salariés — voire près de 8 000 en incluant le personnel des boutiques — se retrouvent dans l’incertitude, et alerte sur les filiales d’Altice, dont plus de 95 % de l’activité dépend de SFR.
« Si vous les déconnectez de SFR, ces entreprises disparaissent immédiatement », prévient-il.
Altice France reste sur la défensive
Ce rejet immédiat s’inscrit dans un contexte financier tendu pour Altice France. Le groupe a mené une restructuration massive de sa dette, ramenée de plus de 24 milliards d’euros à 15,5 milliards au 1er octobre. SFR, avec un chiffre d’affaires d’environ 9 milliards d’euros, demeure son principal actif et un pilier stratégique.
Pour Arthur Dreyfuss, céder SFR — même partiellement — reviendrait à affaiblir le cœur opérationnel d’Altice France, au moment où celui-ci tente de restaurer sa rentabilité et de rassurer ses créanciers.
Les analystes n’excluent pas de nouvelles approches dans les mois à venir, à mesure qu’Altice poursuit son désendettement. En attendant, SFR conserve son périmètre actuel, et le marché reste figé dans une concurrence à quatre opérateurs, héritée de l’arrivée de Free en 2012.
