- Deux jours après sa nomination au ministère du Travail et des Solidarités, Jean-Pierre Farandou s’installe au cœur d’un dossier explosif : les retraites.
- Invité du « 20 Heures » de France 2 mardi 14 octobre, l’ex-PDG de la SNCF détaille sa méthode et confirme le gel des paramètres jusqu’au 1ᵉʳ janvier 2028.
La réforme des retraites, suspendue pour apaiser les tensions, n’est pas enterrée. Le nouveau ministre du Travail promet des consultations rapides, une conférence sur le financement et une adaptation législative dès 2026. Objectif affiché : trouver un équilibre entre soutenabilité budgétaire et adhésion sociale.
Un ministre qui veut renouer le dialogue
Invité du « 20 Heures » de France 2 mardi soir, Jean-Pierre Farandou a pris soin de poser les bases de sa méthode. « J’ai commencé à appeler les partenaires sociaux, patronaux, je vais faire le tour de tout le monde », a-t-il déclaré, annonçant la tenue prochaine d’« une conférence sur le sujet du financement ».
Nommé dimanche au sein du gouvernement de Sébastien Lecornu, l’ancien président de la SNCF hérite d’un dossier sensible : la réforme des retraites, suspendue après des mois de crispation sociale.
Le ministre défend la logique de cette réforme tout en reconnaissant les résistances qu’elle suscite. « Cette réforme est nécessaire », insiste-t-il. « Dans nos systèmes de répartition, qu’on aime beaucoup, ce sont les actifs qui paient pour les retraités. Mais il y a de plus en plus de retraités et moins d’actifs. » Pour lui, la solution demeure évidente : « L’idée toute simple, c’est de dire qu’il faut travailler un peu plus (…) Deux ans ont été fixés, avec tous les mécanismes qui vont avec. C’est ça, la réforme. »
Paramètres gelés jusqu’en 2028
Le Premier ministre Sébastien Lecornu a confirmé la suspension des mesures clés de la réforme. « On voit bien qu’elle passe mal, cette réforme. Il y a des inquiétudes, des mécontentements », a reconnu Jean-Pierre Farandou. « Le Premier ministre a décidé de suspendre les curseurs, les paramètres de la réforme, de les figer jusqu’au 1er janvier 2028. »
Concrètement, l’âge légal de départ reste fixé à 62 ans et 9 mois, et la durée de cotisation à 170 trimestres.
« Trois millions et demi de personnes sont concernées », précise le ministre, évoquant « les générations nées entre 1964 et 1968″. En pratique, ces assurés « vont pouvoir partir plus tôt avec la même retraite », une mesure qui représente un gain immédiat pour cinq cohortes d’actifs.
Une suspension coûteuse mais encadrée
Le gel de la réforme n’est pas sans conséquence pour les finances publiques. « Sébastien Lecornu a parlé de 400 millions d’euros pour cette année, d’1,8 milliard pour l’année prochaine », rappelle Jean-Pierre Farandou.
Ce manque à gagner devra être compensé « dans le cadre du budget », précise-t-il, soulignant que « le travail va se faire avec les parlementaires », dans un contexte où « il n’y a pas de 49.3 et pas de majorité absolue ».
Le ministre se montre toutefois déterminé à tenir la trajectoire des finances publiques :
« Le Premier ministre a été très clair : on ne s’arrête pas à la suspension, et on ne renonce pas à notre volonté d’améliorer le déficit de notre pays, de 5,4 % à 4,7 %. »
Passage obligé par le Parlement
La traduction de la décision passera par un vote de loi. « Le mécanisme, c’est bien au Parlement qu’il faut le faire, puisqu’on va modifier une loi », explique Jean-Pierre Farandou. « Il faut le faire vite, puisque ça va impacter le budget 2026. »
Mais pour le ministre, le débat ne doit pas se limiter à des ajustements techniques. Il souhaite élargir la réflexion à la place du travail dans la société. « Les retraites, c’est la dernière étape du travail », rappelle-t-il. « Il faut aussi parler du travail des jeunes, du travail des seniors, des conditions de travail (…) La pénibilité en fait partie. Tout l’environnement du travail, c’est très important de le mettre autour de la réflexion sur les retraites. »
« J’assume complètement la problématique financière »
Jean-Pierre Farandou revendique une approche pragmatique et lucide. « J’assume complètement la problématique financière », affirme-t-il. « Il faudra qu’à la fin, on soit d’accord pour financer le régime que nous aurons inventé. Et il faut que les Français adhèrent à la construction qu’on fera. »
Il met en avant un principe clé : le financement du système repose sur l’activité.
« L’argent qui finance les retraites vient du travail. Ce sont les travailleurs et la croissance qui nous permettront de financer, quoi qu’il en soit, le futur système. »
Et de conclure, sans détour : « Ça veut dire qu’on va travailler plus, quoi qu’il arrive. Dans un système par répartition, c’est difficile de ne pas travailler plus, à partir du moment où la durée de vie augmente. »
Un équilibre à reconstruire
Entre impératif budgétaire, besoin de justice sociale et défi démographique, Jean-Pierre Farandou s’engage sur une ligne étroite. Le ministre du Travail promet de rouvrir le dialogue et de bâtir une solution « juste et équitable », en concertation avec les syndicats, le patronat et les parlementaires.
La conférence sur le financement, annoncée comme le point de départ d’un nouveau cycle de discussions, sera l’occasion de redéfinir les contours d’un système que le gouvernement espère plus stable — et, surtout, plus accepté.
