- À l’Assemblée nationale, l’opposition impose un tournant fiscal contre les multinationales.
- Impôt minimum abaissé, taxe sur les rachats d’actions portée à 33 % et taxe « superdividendes » relancent le débat sur l’attractivité de la France.
Abaissement du seuil de l’impôt minimum de 15 % issu de l’accord OCDE, durcissement de la taxe sur les rachats d’actions et instauration d’une taxe « exceptionnelle » sur les superdividendes : en quelques heures, la gauche et le Rassemblement national ont imposé une ligne plus dure envers les grands groupes.
Le ministre de l’Économie, Roland Lescure, dénonce une « surenchère fiscale » dangereuse pour l’attractivité du pays.
Un « impôt universel » élargi aux groupes dès 500 M€ de CA
Au lendemain de l’adoption d’une mesure visant à taxer les multinationales selon leur activité réelle en France, les députés ont validé un amendement de La France insoumise abaissant de 750 millions d’euros à 500 millions le seuil de déclenchement de l’impôt minimum de 15 % sur les bénéfices (cadre OCDE). Le vote a été acquis par 175 voix contre 92, avec le soutien du Rassemblement national. Les partisans parlent d’un « impôt universel » susceptible d’apporter 26 milliards d’euros au budget de l’État.
Le ministre de l’Économie et des Finances, Roland Lescure, a vivement critiqué ce vote, estimant que la convergence entre le RN et LFI revient à fragiliser « l’attractivité de la France » et pourrait, « in fine, […] détruire des emplois ». Selon lui, les oppositions avancent « sous couvert de justice fiscale » des mesures susceptibles d’« isoler la France », de l’écarter de ses engagements internationaux et d’encourager une éventuelle fuite des sièges sociaux. Il déplore une dérive où « la justice fiscale a laissé place à la surenchère fiscale ».
« Cette mesure est par ailleurs concrètement inopérante et inapplicable. Elle est incompatible avec les 125 conventions fiscales bilatérales signées par la France, et notamment avec ses principaux partenaires économiques« , a martelé Roland Lescure
Pour lui, « la renonciation au 49-3 exige de chacun de la responsabilité, vote après vote. »
Rachats d’actions : assiette élargie et taux porté à 33 %
Dans la foulée, un amendement du Rassemblement national a profondément remanié la taxe sur les rachats d’actions : assiette étendue à toutes les entreprises réalisant plus de 750 M€ de chiffre d’affaires et taux relevé de 8 % à 33 %. Le texte a été adopté par 109 voix contre 94, avec les seuls suffrages du groupe de Marine Le Pen.
« On doit s’attaquer à cet argent, et pas à nos TPE/PME », a défendu Kévin Mauvieux député RN, avançant un rendement d’environ 8 milliards d’euros.
Superdividendes : une taxe exceptionnelle validée
Juste avant 20 heures, les députés ont adopté un amendement LFI instaurant une taxe exceptionnelle sur les superdividendes visant les groupes au-delà de 750 M€ de chiffre d’affaires. Résultat : 71 voix pour, 63 contre. L’abstention d’une large part des députés RN présents a facilité l’adoption.
Mathilde Feld (LFI) a défendu la mesure au nom du partage de la valeur : « Les dividendes ont augmenté de plus de 25 % par rapport à la période pré-Covid. »
Une alliance de circonstances qui crispe la majorité
Pour la majorité présidentielle, la séquence sonne comme un camouflet. Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République) s’est insurgé contre la convergence des votes entre la gauche et le RN :
« Nous avons assisté toute l’après-midi à une explosion de la fiscalité sur les grandes entreprises par l’aide active du RN à des idées qui venaient de la gauche radicale. »
Ces mesures ne s’appliqueront que si elles figurent dans la version finale du budget 2026 jusqu’à la promulgation. Outre la navette parlementaire, elles pourraient être examinées au prisme des engagements internationaux de la France et des risques de contentieux évoqués par Bercy.
